Rumination 15

Revenons sur terre

Petite boule bleue perdue au fond de l'immensité, tournant autour d'une étoile moyenne située à la périphérie d'une galaxie ordinaire, la planète terre n'a vraiment rien d'exceptionnel....à part que c'est la nôtre et la seule que nous avons. C'est pourquoi nous la trouvons si belle !
Voici la plus belle photo de la terre, prise depuis Apollo 17. Admirons en la rondeur parfaite, ses océans d'un bleu intense, la terre rouge de l'Afrique, les blancheurs immaculées de l'Antarctique et ses écharpes tourbillonnantes de nuages...
Les quelques hommes chanceux qui ont pu voir cela de leurs yeux en ont certainement été transformés. Mais même en gardant les pieds sur terre (au sens propre comme au figuré), on ne peut que s'émerveiller devant tant de beauté.
Regardons une passiflore : 10 pétales, 5 étamines, 3 pistils assemblés dans une incroyable géométrie et une admirable harmonie de couleurs. Cette modeste fleur nous donne un exemple entre mille des prodigieuses créations de la Nature que nous resterons incapables de créer nous mêmes. Le pourquoi de tout cela restera un profond mystère auquel tentent de répondre les philosophies et les religions. La Science, quant à elle, tente seulement de répondre à la question "comment?"....

La terre est située ni trop loin ni trop près du soleil de sorte qu'il y règne une température clémente. Elle est dotée de vastes océans d'eau, ce qui est infiniment préférable à des océans de méthane liquide ! Elle est aussi pourvue d'une atmosphère capable de filtrer les rayons nocifs du soleil. Il fallait déjà une chance inouïe pour que ces trois conditions soient réunies. C'est par cet extraordinaire concours de circonstances qu'est apparue la Vie il y a environ 3,5 milliards d'années. D'abord ce furent des algues et des bactéries, formes très primitives, mais cependant déjà des êtres vivants à part entière, capables d'interagir avec leur environnement et de se reproduire par division. Il n'y eut rien d'autre pendant très longtemps. Puis, il y a environ 500 millions d'années, la vie s'est développée d'une manière exponentielle en inventant la reproduction sexuée. Sont alors apparus les plantes, les mollusques, les poissons, les insectes, les reptiles, les oiseaux, les animaux terrestres, les mammifères, les singes et finalement l'homme. Tout ce processus de la vie est maintenant bien expliqué par la théorie darwinienne sur l'évolution des espèces et la sélection naturelle. Notre présence sur terre est donc dans la continuité d'un processus qui a débuté il y a 3,5 milliards d'années. Nous savons que les singes sont nos plus proches cousins, mais les bactéries sont nos plus lointains ancêtres. Car nous faisons partie de l'ensemble du monde vivant et nous n'avons aucune raison de penser que nous y occupons une place privilégiée et que la nature nous appartient. En fait c'est nous qui appartenons à la nature ! Et nous voyons bien que ses ressources sont limitées. Nous sommes peut-être, en termes de complexité et d'intelligence, perchés sur la plus haute branche de l'arbre de la vie. Mais, malgré son intelligence supérieure, l'homme semble être aussi la seule créature assez bête pour scier la branche sur laquelle il est assis !
Il suffit d'évoquer le réchauffement climatique, la disparition de la couche d'ozone, la pollution, les risques du nucléaire, choses sur lesquelles tous les gens sensés sont d'accord, mais il faut hélas déplorer la lenteur et la petitesse des mesures qui ont été prises jusqu'ici pour y remédier. La bonne conscience écologique est souvent une vaste hypocrisie. Peut-être faudra-t-il attendre que notre planète soit devenue totalement invivable pour que notre instinct de survie nous rappelle à la raison ? Notre planète est en effet un vaisseau spatial qui nous emporte à travers l'immensité cosmique. Tous les clignotants sont au rouge, et il n'y a pas de canots de sauvetage...Et pourtant, tout fonctionnait à merveille à bord jusqu'à l'apparition de l'homme qui est peut-être en définitive le "maillon faible" de l'évolution : sa capacité de nuisance est telle qu'il est capable de détruire en quelques instants ce qui a demandé des milliards d'années à se construire !
Comme je suis optimiste, je crois tout de même que le bon sens finira par l'emporter sur la bêtise avant qu'il ne soit trop tard....

En attendant, écoutons un extrait du Chant de la Terre de Gustave Malher (1911) Les textes sont des traductions allemandes de poèmes chinois classiques. Leur contenu évoque la terre, la nature et la solitude de l'homme. Au-delà des textes, Mahler a réussi l'expression d'une fusion complète entre l'homme et la nature, la vie et l'éternité. Le dernier poème "Der Abshied" (l'Adieu) se termine ainsi :
      Partout la terre bien aimée
      Refleurit au printemps et verdit à nouveau
      Partout et toujours la lumière bleuit au lointain....
      Toujours....toujours..."
Le dernier mot "ewig" (toujours) répété sans fin donne l'impression du temps qui s'arrête tandis que la musique se dissout dans le silence...


Page suivante : Conclusion provisoire
Copyright © Jean-Luc Fradet 2010
page 15/21