LA RIME
d'après l'encyclopédie Encarta


Rime, reprise, à la fin d'un vers, d'une série de sons marquant la fin d'une séquence rythmique.

La rime et le rythme

Versifier, mettre en vers, se dit rimer en ancien français. Cette confusion du rythme et de la rime est explicable car la rime est le moyen de structuration le plus spécifique du texte poétique.

Elle marque la fin du vers et distingue celle-ci de la césure, qui, elle, n'est pas rimée. C'est grâce à la rime, par exemple, qu'une suite d'alexandrins ne s'entend pas comme une suite de vers de six syllabes.

Fondamentalement, la rime est faite pour l'oreille : les rimes "pour l'œil" ne sont que des conséquences de l'évolution de la langue ou des archaïsmes voulus : hélas! et suivre mes pas (à la fin de Bérénice, de Racine) n'est pas une rime pour l'oreille.

Mais la rime est aussi un élément structurant de la strophe. Dans les chansons de geste du Moyen Âge, il n'y avait pas de rime pour structurer le texte, mais seulement assonance, c'est-à-dire répétition de la même voyelle. C'est donc le retour d'une voyelle seule en fin de vers qui en marquait la fin. Une série de vers s'achevant de la sorte par la même voyelle appartenait à une même séquence : longe, répondre, encontre.

Contrairement à l'assonance, dans laquelle seules les voyelles doivent être identiques, la rime exige au minimum la reprise de la voyelle et de sa suite consonantique (montre, rencontre). Mais ce qui caractérise la rime par rapport à l'assonance, ce sont plus encore les possibilités de combinaison qu'elle offre : on peut combiner plusieurs couples de rimes, un premier son en appelant un autre dans l'un des vers suivants. C'est en cela que la rime est dynamique : "sommation du silence, elle appelle, elle provoque" (Claudel).

Les rimes, par leur arrangement, permettent l'organisation de la strophe. La formule rimée minimale est le couplet de deux rimes, c'est-à-dire le quatrain. Ce dernier peut présenter diverses figures de rimes : rimes suivies ou plates (aabb), rimes croisées (abab) ou rimes embrassées (abba).

On oppose les rimes masculines à finale vocalique sonore (vaisseau/eau) et les rimes féminines, qui finissent par un e muet élidé (non prononcé) (allonge/plonge). La versification régulière (entre le XIVe et le XVIe siècle) s'est fait une règle de l'alternance des rimes masculines et féminines : un quatrain aux rimes croisées peut alors se réaliser en MFFM ou FMMF. La disposition des rimes entre enfin dans les règles de composition des formes fixes (le sonnet par exemple).

La rime et le jeu

La rime est une esquisse de calembour, en cela elle est moins une contrainte qu'un "élément d'aventure et de fantaisie" (Claudel).

La rime minimale est la reprise d'une voyelle et de sa suite consonantique. S'il n'y a pas de consonne après la voyelle, la rime est dite "pauvre" (nue/cohue).

S'il y a une consonne après la voyelle, la rime est dite "suffisante" (extase/gaze).

Au-delà, la rime est dite "riche" (les définitions de la rime riche varient), mais on précise qu'elle est double ou léonine si elle porte sur deux syllabes (vendu/pendu).

La rime équivoquée est un jeu de mots à la rime, chéri par les Grands Rhéthoriqueurs (sous France/souffrance). Dans l'holorime, cas limite de la rime, les sons à la rime envahissent le vers entier 

Gal, amant de la reine, alla, tour magnanime
Galamment de l'arène à la tour Magne à Nîmes
(Marc Monnier)

On appelle rime batelée un cas très particulier de rime, dans lequel les sons à la césure du vers 1 font écho à ceux de la rime du vers 2 (et réciproquement), ce qui crée un vertige en abolissant la distinction entre fin du vers et césure :

Et sans cesse du doux fuseau crédule La chevelure ondule au gré de la caresse
(Valéry).

La rime et le sens

Aragon exagère peu quand il dit que "l'écriture du vers commence par le mot essentiel appelé rime". C'est littéralement le cas dans le bout-rimé, poème écrit sur des rimes imposées. Baudelaire, quant à lui, est capable de construire un pantoum sur deux rimes (tige/vertige, afflige/fige/vestige, et encensoir/soir, reposoir/noir/ostensoir) dont les sons vocaliques sont réunis dans le titre ("Harmonie du soir").

Du point de vue du sens, on observe que les mots qui riment l'un avec l'autre en fin de vers sont mis en position d'équivalence : "la rime trace un chemin entre les mots ‘…’, fait percevoir entre eux une nécessité" (Aragon).

Comme il y a un lexique d'auteur (l'ensemble de ses mots préférés qui condensent son univers littéraire), il y a peut-être un dictionnaire des rimes propres à chaque auteur (rime gloire/mémoire chez Corneille, rime sur ombre chez Hugo, par exemple).

À l'époque contemporaine, la rime est menacée avec l'apparition du vers libre et attaquée par les surréalistes comme relevant d'une tradition qu'ils rejettent ("la rime est une paire de claques", écrivent Eluard et Aragon). Mais elle resurgit dans l'"écriture automatique" sous la forme de rime intérieure (ou paronomase) : on retrouve là le procédé fondamental de la comptine, du proverbe ou du slogan ("Beaux corps sur le billard, vous serez peaux sur le corbillard", Desnos). C'est Aragon qui remet en honneur (comme acte de résistance à l'Allemagne nazie) la poésie nationale rimée ainsi que le raffinement formel du lyrisme médiéval (les Yeux d'Elsa, 1942). (Voir aussi Versification).


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