La reproduction électrique des anciens disques Contrairement à une idée répandue, les disques anciens sont parfois d'une qualité étonnante que l'on ne peut même pas soupçonner en les écoutant sur un vieux phono mécanique. Les derniers 78 tours des années 50 peuvent même prétendre à la haute fidélité. Seule la reproduction électrique permet de révéler la richesse des enregistrements anciens, d'en tirer la quintessence. En outre elle permet de préserver le patrimoine discographique en n'abîmant pas ces précieux enregistrements parfois irremplaçables. Et elle ouvre la porte au traitement numérique qui permettra d'éliminer les bruits parasites, de corriger certains défauts et de les archiver sur bande ou sur CD pour l'éternité et peut être plus longtemps ! Quelques constructeurs aux Etats Unis proposent d'excellentes platines à 3 vitesses permettant la lecture des microsillons et des anciens disques. Mais ces platines sont assez chères. Il est beaucoup plus économique de se procurer une platine d'occasion. L'arrivée du C.D. a fait que de nombreuses personnes se sont débarrassées de leurs vieilles platines devenues inutiles. On les retrouve maintenant à prix modiques dans les vide-greniers et les dépôts-vente. Recherchez une bonne platine avec un plateau lourd, comme la Dual 1219 ou une Lenco L75 qui a le gros avantage d'avoir une vitesse réglable en continu de 16 tours à 90 tours, grace à son ingénieux système de pignon conique. Généralement, la cellule d'origine ne sera pas utilisable pour notre usage, mais vous n'aurez aucun mal à vous procurer une Shure SC35C. Je conseille spécialement ce modèle car elle est très robuste (elle est utilisée par les disc jockeys !) et bon marché. C'est parfait pour les 78 tours, car elle supporte une force d'appui de 5 grammes. Il faut bien cela pour tenir le sillon à cette vitesse vertigineuse ! Nécessité de lire les disques monophoniques en mono Pourquoi vos vieux 45 tours passent-ils moins bien sur votre chaîne stéréo sophistiquée que sur votre vieux Teppaz ? Est-ce parce que les électrophones Teppaz à lampes (!) étaient de la haute technologie ? Non, simplement parce que les équipements modernes n'ont rien de prévu pour lire correctement les enregistrements monophoniques. Les amplis actuels n'ont parfois pas de commutateur mono/stéréo et quand ils en possèdent un, ce n'est qu'une mise en parallèle des canaux droite et gauche. C'est déjà une étape mais ce n'est pas suffisant car la commutation doit être faite au niveau de la cellule même. Quand on lit un 78 tours ou un microsillon monophonique en position stéréo, on peut constater que les bruits parasites ne sont pas les mêmes sur les deux canaux. La musique semble provenir du centre mais les parasites sont en stéréo ! Si on commute en position mono (quand ce bouton existe) les bruits parasites se sont recentrés mais ils restent toujours très présents. En fait, toute cellule stéréo, de par son principe même, est sensible à la fois aux mouvements verticaux et latéraux de la pointe. Contrairement à ce qui se passe en stéréophonie, le message sonore monophonique est soit purement latéral ou purement vertical alors que les bruits de fond sont répartis dans les deux sens. Il ressort de cela que si nous rendons la cellule sensible uniquement dans une direction, nous aurons éliminé 50 % du bruit de surface. Les résultats sont spectaculaires avec les 78 tours comme avec les microsillons monophoniques des années 50 et 60. Les cellules magnétiques permettent d'obtenir facilement ce petit miracle.... Détournement d'une tête de lecture stéréo Les cellules magnétiques stéréophoniques sont constituées de deux canaux électriques indépendants tous deux actionnés par une seule pointe de saphir ou de diamant. A l'arrière, on trouve deux connecteurs pour chaque canal. La pointe peut librement se mouvoir latéralement, verticalement ou selon tout angle intermédiaire. On peut par conséquent lire les gravures latérales, verticales , et –accessoirement- stéréophoniques (qui sont un mélange des deux ). Dans le cas de la stéréo, un mouvement sur une diagonale (45 degrés) doit produire une tension électrique sur un canal et rien sur l'autre. L'autre canal est activé seulement par un mouvement sur la diagonale opposée. Ainsi, bien qu'il n'y ait qu'un seul sillon, le mouvement de chaque paroi du sillon produit un son dans un seul haut-parleur. Pour utiliser ce système en monophonie, les deux canaux sont branchés ensemble de façon à n'en faire qu'un. Nous allons les connecter non pas en parallèle, mais en série. Selon le sens relatif de la connexion des deux canaux, les signaux seront en phase ou en opposition de phase et voici ce qui se passera : -Soit les mouvements horizontaux vont s'additionner (annulant la réponse verticale) : cela permettra la reproduction des gravures latérales. -Soit les mouvements verticaux vont s'additionner (annulant la réponse horizontale) : cela permettra la reproduction des gravures verticales. Si le résultat obtenu au premier essai n'est pas celui désiré, il suffira d'inverser les connexions sur un seul canal. <<<<<< Voici un exemple concret du câblage d'une cellule SC35C pour la lecture des disques à gravure verticaleIl suffit de souder ensemble les fils rouge et blanc et de souder ensemble les fils vert et bleu. Ces couleurs sont devenues plus ou moins standard, mais il peut y avoir des exceptions... On relie les bornes L et R de la cellule par un strap, de préférence un des petits connecteurs idoines fournis avec la cellule, sinon (quand la longueur de ce connecteur gênerait pour la fixation) un simple fil monobrin qu'on serre fermement autour des cosses. Simple, n'est il pas ? Une bonne loupe et un peu de patience sont néanmoins utiles pour cette opération. Si vous voulez écouter les deux types de disques sur votre platine, il vous faudra donc deux coquilles interchangeables munies de cellules câblées de manière idoine... Considérations importantes sur les différentes tailles de diamant La maison Shure ne produit actuellement qu'un seul modèle de diamant 78 tours, le N78S sphérique de 64 microns (ou 0.0025 ''). Ce diamant, peu onéreux (environ 40 €) donne de bons résultats avec les disques des années 50 et les disques en bon état, mais pour les disques plus anciens ou en mauvais état, le bruit de fond est important. La pointe est encore trop fine et elle va racler le fond du sillon où les aiguilles d'acier de jadis ont fait des ravages. Il convient donc d'utiliser une pointe plus grosse qui soit en contact avec seulement la partie supérieure du sillon qui est auditivement la plus saine. Le problème est d'autant plus compliqué que les dimensions des sillons des 78 tours ont considérablement varié entre 1900 et 1960. Les professionnels de la transcription utilisent une quantité invraisemblable de pointes de grosseurs différentes en fonction de l'ancienneté et de l'état du disque. Comme ces diamants "sur mesure" sont assez onéreux, le simple amateur devra se limiter à 3 ou 4 qui permettront de jouer la plupart des disques dans de bonnes conditions. La maison anglaise "Expert Stylus Company" est à ma connaissance la seule qui propose ce type de produit. Leurs diamants sont des modèles tronconiques, c'est à dire que l'extrémité au lieu d'être sphérique comme la N78S est aplatie afin qu'elle ne descende pas trop bas dans le sillon. Ces diamants existent en sphérique ou en elliptique, ces derniers étant à réserver aux disques en bon état. Leur seul inconvénient est leur prix : en moyenne 100 € pièce, mais essayez donc de tailler et de polir des diamants de quelques dizaines de microns ! Pour résumer, voici les quatre tailles de diamant qui représentent un bon compromis et permettront d'écouter tous les disques à gravure latérale: Disques acoustiques avant 1920 : 0.0040'' (100 microns) Disques microsillons monophoniques : 0.001'' ( 25 microns) (N.B. Dans les documentations américaines les dimensions des diamants sont indiquées en millièmes de pouces sous la forme suivante: "2.5 mil", ce qui équivaut à 0.0025" en Angleterre et à 64 microns dans les pays civilisés !)Avec ces 4 tailles, l'amateur sérieux sera déjà bien armé pour chasser un maximum de bruits de surface. Un préampli économique pour les disques très anciens (gravure acoustique)
Attention ! si votre platine est reliée à l'entrée "phono" de votre ampli, le signal va y subir une correction dite RIAA, qui s'applique seulement aux microsillons. Les disques anciens n'ont pas été gravés en RIAA, mais avec des corrections différentes et -dans le cas des disques acoustiques- avec pas de correction du tout ! Un disque acoustique, après cette correction RIAA indésirable, aura un son cotonneux avec parfois saturation des basses. Bien que l'on puisse certes y remédier en partie en jouant sur les contrôles de tonalité, ou en appliquant par logiciel une courbe RIAA inversée, il est plus simple d'agir à la source du signal ! Problèmes spécifiques aux disques à gravure verticale Les disques "à saphir" Pathé et autres, qui sont très répandus en France, ne posent pas de problèmes insolubles en lecture électrique si la cellule a été câblée à cet effet. Les premiers disques Pathé ont la particularité de commencer par le centre, mais ils tournent dans le même sens que les autres : vous n'aurez donc pas besoin de faire tourner votre platine à l'envers ! Pour ce qui est de la pointe de lecture , les disques à gravure verticale sont très accommodants : il faudrait bien sûr un saphir spécial, mais l'expérience montre que les diamants 78 tours normaux fonctionnent fort bien avec les disques à saphir : certes, on a un peu plus de bruit de fond, mais aussi plus d'aigus, donc plus de clarté et finalement on ne perd pas au change….Le véritable problème avec les disques à saphirs est la faible profondeur du sillon. Pour les reproducteurs de jadis qui pesaient plus de 100 grammes, ce n'était pas critique, mais pour un bras de pick-up moderne ayant une pression maximale de 5 grammes, les disques à saphirs sont de vraies patinoires ! D'où l'importance de l'anti-skating ( compensation de la force centripète), seul remède au problème. Ce dispositif équipe en principe toutes les platines de bonne qualité mais encore faut-il qu'il soit bien réglé. Pour ce faire, il faut disposer d'un disque totalement lisse, par exemple l'envers d'un disque Gramophone simple face. On place la pointe vers le milieu de ce disque muet et après avoir mis le moteur en route à 78 tours, on agit sur la molette de l'anti-skating jusqu'à ce que la pointe n'ait plus tendance à échapper ni vers le centre ni vers l'extérieur. Elle doit demeurer fixe malgré la rotation du disque. A noter que ce réglage à 78 tours ne sera pas valable pour un microsillon 33 tours. La force centripète étant liée à la vitesse, il faudra donc refaire les réglages pour les différentes vitesses. Problèmes de vitesse Les "78 tours" ne tournent pas tous à 78 tours minute, loin s'en faut. Mais on a pris l'habitude d'appeler 78 tours tout disque non microsillon. En fait les premiers disques acoustiques de 1900 tournaient entre 60 et 75 tours et il y a des querelles de spécialistes pour savoir si dans tel ou tel disque, Caruso ne chantait pas un demi ton plus haut que dans la partition. Graves questions qui resteront sans doute sans réponse ! En tout cas les disques à saphir Pathé tournaient d'abord entre 90 et 120 tours , avant de se stabiliser à 80 tours. Les anciens phonos mécanique et les "pickups" électriques avaient tous un réglage de vitesse continu permettant d'obtenir n'importe quelle vitesse. On réglait à l'oreille ! Mais comme nous sommes devenus un peu plus pointilleux, nous allons avant toute autre chose nous munir de stroboscopes appropriés aux vitesses qui nous intéressent. Rien n'est plus simple avec le logiciel gratuit de Jean Vernet de Morges en Suisse et répondant au joli nom de STROBO.EXE (24 KO et garanti sans virus !) La plupart des platines ayant un réglage fin (pitch) atteignent aisément 80 tours, mais les vitesses supérieures seront impossibles à atteindre. Seules les platines professionnelles ont un réglage de vitesse en continu de 15 à 120 tours, mais leur prix aussi est professionnel ! J'ai pour ma part bricolé une platine 33/45 tours des années 70 pour la lecture des disques 90 tours. Il a suffi de modifier le diamètre de la poulie d'entraînement ! Et celà fonctionne parfaitement pour un prix défiant toute concurence (prix d'achat de la platine : 50 F !) Problèmes de poids Les reproducteurs acoustiques des anciens phonographes pesaient plus de 100 grammes. Ils sont responsables de l'usure des disques, mais ils ne risquaient pas de s'envoler ! Ce n'est pas le cas sur une platine moderne dont la pression est infiniment plus faible. Et la tête de lecture a parfois tendance à s'envoler si le disque est un peu gondolé. C'est pourquoi on aura intérêt à utiliser le poids maximum préconisé par le fabricant de la cellule. Une pression de 5 grammes est raisonnable pour les 78 tours. 2 grammes suffisent pour les microsillons monophoniques. Bien entendu, si la lecture s'effectue correctement avec un poids inférieur, on a intérêt à adopter une valeur inférieure. En tout cas, si vous prenez la précaution de nettoyer soigneusement les disques, le diamant fera un très long usage et vous n'abîmerez pas vos précieux disques. Problèmes de format des disques L'immense majorité des disques anciens ne dépasse pas 30 cm de diamètre. Les disques Pathé de 35 cm, tout de même assez courants, riquent par contre de poser problème. Sur la Lenco L75, par exemple, on sera obligé de démonter le relève bras ! Quant aux disques de 50 cm, ils ne peuvent hélas passer sur aucune platine moderne, mais comme il y a peu de chance d'en trouver, on peut faire l'impasse ! Paradoxalement, ce sont les disques de faible diamètre qui posent de réels problèmes, car leur plage enregistrée s'approche du centre bien au delà de la butée d'arrêt du bras de lecture, ce qui disqualifie les platines possédant un arrêt automatique. La Lenco, manuelle, permet de s'approcher aussi près du centre que nécessaire. Le nettoyage des disques J'avais gardé pour la fin les considérations les moins techniques mais peut-être les plus importantes et celles qui apportent des améliorations parfois spectaculaires à l'audition, qu'il s'agisse de 78 tours ou de microsillons : il faut impérativement nettoyer les vieux disques, tout d'abord pour préserver votre précieux diamant des poussières qui contiennent toujours des éléments abrasifs et également pour éliminer tous les bruits parasites qui peuvent être éliminés. Les petites brosses en fibres de carbone sont utiles pour un dépoussiérage sommaire des disques propres, mais ce n'est pas suffisant pour les vieux disques trouvés "dans leur jus". Seul un lavage à grande eau peut les débarrasser des cochonsetés incrustées dans les sillons. L'eau tiède additionnée de quelques gouttes de liquide à vaisselle (de la marque de votre choix) est le seul produit recommandable. Jamais au grand jamais d'alcool ou autre solvant qui dissoudraient irrémédiablement la gravure ! Jamais non plus d'eau chaude qui gondolerait les disques ! Ceci dit, on peut laver et rincer les disques jusqu'à élimination de toute trace de détergeant. Il ne faut pas les laisser sécher d'eux-mêmes surtout si votre eau est calcaire, mais les essuyer aussitôt avec un linge non pelucheux. Il restera encore de l'humidité au fond des sillons, c'est pourquoi il faudra les laisser à l'air ( mais pas en plein soleil !) plusieurs heures jusqu'à ce que toute l'humidité soit partie. Les puristes pourront objecter que l'immersion totale des disques risque de faire décoller ou déformer l'étiquette centrale. Peut-être certaines marques de disques ont-elles ce problème , mais j'avoue n'avoir encore jamais réussi à décoller une étiquette de 78 tours même en essayant de le faire volontairement. Ce qui est certain, c'est qu'il ne faut jamais remettre un disque dans sa pochette avant que l'étiquette ne soit parfaitement sèche...
Enfin une dernière recommandation ...de bon sens ! Les disques fissurés ou rayés ne doivent jamais être passés sur un équipement moderne. Votre superbe diamant tronconique chèrement acquis n'apprécierait pas du tout ! Ecoutez les sur un vieux phono si vous tenez absolument à savoir ce qu'il y a dessus... Dernière mise à jour |