Voici un "hors-sujet" qui ne l'est pas vraiment ! Il est même au coeur du sujet, car sans les merveilleuses inventions auxquelles le Musée virtuel rend humblement hommage, la musique dite "classique" aurait continué à être réservée à une petite élite d'initiés. J'aurais tout aussi bien pû commencer cette quête de la "modernité" avec Pélléas et Mélisande (1902). Mais cette partition sublime relève autant de la littérature que de la musique et en détacher un extraît de 3 minutes eût été un non-sens. Il y a en effet beaucoup à dire sur ce premier opéra moderne, où les personnages se parlent sans se comprendre. Le drame se déroule dans le non-dit, dans les propos les plus anodins terriblement chargés de symboles qu'amplifie et commente la musique... Le Sacre du Printemps écrit pour les Ballets Russes fit aussi scandale lors de sa première représentation ! La chorégraphie y contribua aussi largement...Stravinski allait beaucoup plus loin que Debussy dans l'étrangeté, la stridence et la violence rythmique. Cette évocation de la Russie païenne est une musique qui a gardé toute sa force explosive. Les premières oeuvres de Schoenberg, inventeur de la musique "dodécaphonique" et fondateur de l'"Ecole de Vienne" sont très marquées par Richard Wagner. Pierrot lunaire, 21 poèmes morbides et décadents d'Albert Giraud, pour voix parlée et 8 instruments est son oeuvre la plus célèbre. Ce ne sont plus des lieder, puisque la chanteuse ne chante pas (ce sont les instruments qui chantent) Elle ne déclame pas non plus : c'est un compromis entre le chant et la parole, que Schoenberg nomma "Sprechgesang". Ce procédé nouveau pour l'époque suscita de nombreux commentaires et interrogations. On a depuis beaucoup usé (voire abusé) du "parlé-chanté" et on perçoit maintenant le Pierrot lunaire comme une oeuvre délicieusement kitsch. La Suite lyrique d'Alban Berg est l' un des plus sublimes chefs d'oeuvre de la musique sérielle ou "dodécaphonique". Cette technique révolutionnaire consistait à utiliser une gamme chromatique de 12 sons sans note dominante, rompant ainsi avec des siècles de gammes diatoniques à 8 notes majeures ou mineures. On a reproché à cette musique d'être dépourvue de mélodie et pourtant ici, l'adjectif lyrique n'est pas usurpé. Les cordes chantent, mais comme dans une langue musicale étrangère...
Elle ne se révélera peut-être pas à la première audition, mais c'est une des oeuvres les plus sensuelles jamais écrites. Anton Webern, autre disciple de Schoenberg est certainement le musicien qui a poussé l'expérience dodécaphonique jusqu'à ses ultimes limites, étendant les principes de la "série" au timbres mêmes. La "mélodie de timbres" devient dans ces cinq pièces pour orchestre un élément constant du langage, avec une extraordinaire minutie, sept instruments différents pour émettre les sept notes avec les alternances les plus étudiées des couleurs chaudes (trompette bouchée) et de couleurs froides (célesta). On imagine qu'avec une telle musique, Webern ne connut jamais le succès de son vivant. Bartok est sans conteste le plus grand musicien hongrois de ce siècle. Sa musique, généralement tonale, fut assez peu influencée par l'école de Vienne. Ses grandes influences sont essentiellement la musique folklorique hongroise, dont il a su extraire la quintessence au point de la transfigurer en folklore imaginaire fondu dans la musique la plus complexe. Cette "Musique pour cordes..." marque le sommet de l'art de Bartok avec cette rythmique irrésistible du dernier mouvement et l'intégration complète de la percussion qui ne se contente plus de son rôle traditionnel de ponctuation... même le piano est utilisé ici comme instrument à percussion. Une oeuvre admirable et très abordable. Luciano Berio est l'un des plus grands compositeurs de ce siècle et la "Sinfonia" de 1968 est son oeuvre la plus connue pour ne pas dire la plus accessible. Pas à proprement parler une symphonie, mais plutôt "un vaste fleuve sonore dont les multiples éléments musicaux et linguistiques nous emportent irrésistiblement", selon les termes mêmes du compositeur... Yannis Xenakis, mathématicien, architecte et compositeur d'origine grecque mais ayant vécu en France a beaucoup marqué l'avant garde contemporaine. On trouve hélas très peu de ses oeuvres chez les disquaires, ce qui est bien injuste. L'extrait de Polytope (seule oeuvre qui connut un certain succès populaire grâce au Pop Club de José Artur) provient d'un 45 tours d'époque... Sa théorie de la composition musicale assistée par ordinateurs a provoqué en 1956 remous, sarcasmes et inquiétudes. On en est revenu depuis ! En fait Xenakis utilisait un antique 7090 IBM pour se libérer de calculs fastidieux dans une composition très complexe conçue par un cerveau humain. La complexité certaine de ses oeuvres ne nuit pas à leur lisibilité et au plaisir qu'on peut prendre à leur violence et leur étrangeté ! György Ligeti, compositeur hongrois émigré, peut sembler assez proche de Xenakis, bien que sa musique nous apparaisse moins âpre et plus sereine. Ligeti est avant tout un grand maître de la "couleur sonore". Atmosphères est une musique non-événementielle, une texture sonore suggérant l'éternité et le voyage vers l'infini. C'est Stanley Kubrick qui l'a révélé et rendu un tant soit peu "populaire" ...Le réalisateur du célèbre "2001, l'Odyssée de l'Espace" ne pouvait pas faire un meilleur choix, tant et si bien qu'il est désormais impossible d'écouter cette musique sans voir défiler les galaxies et autres étrangetés cosmiques que contemple l'astronaute Bowman lors de sa chute vertigineuse à travers l'espace-temps... Schoenberg l'avait dit : "Il reste encore beaucoup de bonnes musiques à écrire en do majeur". Mais l'inventeur de la musique dodécaphonique n'avait sans doute pas pensé que cette boutade prendrait dans les années 60 des allures prophétiques. Car c'est justement avec le "En do" (In C) de Terry Riley qu'une nouvelle esthétique musicale prend son envol en 1964, aussi déterminante pour la fin de ce siècle que l'avait été l'atonalité pour son début. Philip Glass est, avec Terry Riley et Steve Reich à l'origine d'un mouvement musical d'une importance au moins égale à celle de l'Ecole de Vienne : c'est ce qu'on a appelé le minimalisme ou la musique répétitive (bien que ces termes soient très contestables). Il s'agit en tout cas d'une rupture avec les abus du post-sérialisme qui était devenu une musique accessible aux seuls compositeurs ! Le minimalisme est donc un retour à la musique tonale la plus consonante et à la mélodie la plus évidente. La répétition de cellules mélodiques crée un état d'envoûtement chez l'auditeur, bien que cette répétition ne soit qu'apparente : il y a en fait de subtils glissements d'une mélodie à l'autre. Les Quatuors à cordes de Philip Glass sont à mettre à part dans son abondante production. Ici, le procédé minimaliste est à peine perceptible et on y rejoint le plus pur romantisme de Beethoven ou de Schubert... Steve Reich est certainement le musicien le plus doué de sa génération et jouit aux Etats Unis d'une popularité méritée. Depuis ses premiers essais ultra-minimalistes pour bandes magnétiques déphasées jusqu'à ses grandes oeuvres comme Desert Music, Different Trains, Tehilim, il n'a cessé d'évoluer du purement expérimental vers une musique qui s'impose d'elle même au delà de toute théorie. La répétition n'est plus une technique de composition mais l'essence même d'une oeuvre qui s'explique d'elle même et devient évidente. Music for 18 musicians, qui dure près d'une heure sur une pulsation continue et sans la moindre pause, est d'une limpidité et d'une cohérence rigoureuses. Peut on encore parler de musique répétitive ? C'est une trame sonore en perpétuel mouvement qu'on écoute avec une fascination toujours renouvelée. Outre le prodigieux exercice de virtuosité des musiciens, c'est un des grands chefs d'oeuvre du genre.... Henryk Gorezki, compositeur polonais, est surtout connu pour sa Troisième symphonie, qui a bénéficié d'une grande diffusion. On chercherait en vain à le rattacher à une quelconque "école" ou courant musical . Gorezki puise surtout son inspiration dans la musique religieuse, d'où une austérité certaine de son oeuvre. John Adams appartient à la seconde génération des minimalistes. Si ses premières oeuvres (Shaker loops) sont assez proches de Philip Glass et de Steve Reich, il a très vite évolué vers des formes hybrides beaucoup plus ambigües, où la répétition n'est plus l'essentiel du langage musical. Il est convenu de classer ce musicien dans le courant "post-minimaliste" si tant est qu'un musicien aussi anticonformiste puisse faire partie d'un courant ! Toujours est-il que John Adams est reconnu comme l'un des plus grands musiciens contemporains. On lui doit le dernier opéra classique de notre siècle avec Nixon in China, dont le livret est basé sur un événement contemporain : la visite de Nixon en Chine en 1972.
Euh...j'allais oublier l'incontournable site de la seule station diffusant essentiellement de la musique classique |